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AYUBA SULEIMAN DIALLO

"Il N’ÉTAIT PAS UN ESCLAVE ORDINAIRE"

N’importe quel Africain de l’ouest, au regard de sa classe sociale, pouvait être contraint à l’esclavage. Ayuba Suleiman Diallo, naquit au environ de 1701 dans une famille de religieux musulmans, il était un négociant instruit de Sénégambie en Afrique de l’ouest, lequel a fourni à l’Europe de la cire d’abeille, de l’or, de la gomme, de l’ivoire et des esclaves depuis le quinzième siècle. En 1730, il fut capturé et transporté dans le Maryland. Dans le Maryland, il écrivit à son père une lettre laquelle parvint à l’attention de James Oglethorpe, le fondateur de la Géorgie, celui-ci aida cet esclave peu ordinaire à acheter sa liberté et l’accompagna jusqu’en Angleterre, où il sera connu sous le nom de Job, le fils de Salomon.

"En février 1730, le père de Job entendit parler d’un bateau anglais arrimé sur le fleuve Gambie; il envoya son fils avec deux serviteurs pour l’aider à vendre deux esclaves, acheter du papier et d’autres marchandises; mais il ne voulait pas qu’il s’aventure sur le fleuve parce que de l’autre côté, c’était le pays des Mandingues, leurs ennemis. Job n'étant pas d'accord avec le capitaine Pike, renvoya ses deux serviteurs vers son père pour le mettre au courant et lui faire savoir qu'il avait l'intention d'aller plus loin. En conséquence, il s'était mis d'accord avec un autre homme, nommé Loumein Yoas qui comprenait la langue des Mandingues, pour aller avec lui comme interprète. Il traversa le fleuve Gambie et échangea ses nègres contre quelques vaches. Comme il retournait chez lui, il s'arrêta pour se restaurer à la maison d'une vieille connaissance et comme il faisait très chaud, il accrocha son armement dans la maison avant de se restaurer lui-même. Cet armement était de grande valeur; il consistait en une épée avec un manche en or, un couteau en or qui se mettait au côté et un riche carquois remplis de flèches qui lui avait été offert par le roi Sambo. Il arriva qu'une bande de Mandingues vivant de pillages passait par là. Les Mandingues le virent désarmé, se lancèrent à sept ou huit au moins par une porte de derrière et plaquèrent Job, avant qu'il puisse atteindre ses armes, avec son interprète qui est encore à présent esclave dans le Maryland. Ils rasèrent ensuite le crâne et la barbe aux deux hommes qui ressentirent cela comme un terrible affront. Bien que les Mandingues ne donnèrent pas d'explications, ils semblaient vouloir leur donner l'apparence d'esclaves pris à la guerre. Le vingt-sept février 1730, ils les menèrent au capitaine Pike sur la Gambie qui les acheta et le premier mars, ils montèrent à bord. Peu après, Job réussit à mettre au courant le capitaine Pike qu'il était la même personne qui était venue pour commercer avec lui quelques jours auparavant et de quelle manière il a été capturé. Sur ce, le capitaine Pike lui demanda de rembourser son achat ainsi que celle de son interprète et Job envoya à une connaissance de son père près du fleuve Gambie qui promit d'informer le père de Job de ce qui s'était passé et de faire quelque chose pour qu'il puisse retrouver sa liberté. Mais il fallait quinze jours de voyage pour aller de la maison de cet ami jusqu'à celle de son père et le bateau devait prendre la mer dans une semaine. Job fut transporté avec les autres esclaves à Annapolis et au Maryland et livré à M. Vachell Denton, courtier de M. Hunt. Job apprit par la suite par les vaisseaux qui venaient de la Gambie que son père avait envoyé plusieurs esclaves, après que le capitaine Pike prit la mer, pour obtenir sa libération et que Sambo, le roi de Futa avait déclaré la guerre aux Mandingues et avait taillé en pièces un grand nombre d'entre eux en représailles du dommage infligé à son camarade d'école. 

M. Vachell Denton vendit Job à un M. Tolsey à Kent Island dans le Maryland qui le mit au travail dans la culture du tabac; mais il fut bientôt convaincu que Job n'était pas fait pour travailler dans cette branche. Il montrait jour après jour son incompétence dans ce travail qui le rendait malade, si bien que son maître fut obligé de lui trouver un travail plus facile. Ensuite, il s'occupa du bétail. Job laissait souvent le bétail pour se retirer dans les bois pour prier mais un garçon blanc fréquemment le suivait et pendant qu'il était à sa dévotion, ce méchant garçon voulut se moquer de lui en lui lançant des saletés à la figure. Cela perturba beaucoup Job et sa souffrance fut aggravée par son ignorance de la langue anglaise ce qui l'empêchait de se plaindre ou de raconter son histoire à quelqu'un. Dans un état désespéré et en raison de sa détresse, il se résolut à voyager à l'aventure, pensant qu'il était possible d'être repris par quelque maître qui voulut l'employer de meilleure façon ou sinon rencontrer un heureux hasard qui lui ferait oublier ou arrêter son chagrin. En conséquence, il voyagea à travers les bois jusqu'au comté du Kent, sur Delaware Bay, maintenant considéré comme faisant partie de la Pennsylvanie; bien que ce soit une partie du Maryland et appartenant à mon Lord Baltimore. Il y avait une loi en vigueur dans toutes les colonies de la Virginie, Maryland, Pennsylvanie et aussi loin que Boston en Nouvelle-Angleterre, que n'importe quel nègre ou un serviteur blanc qui n'était pas connu dans le conté ou qui n'avait pas de laissez-passer pouvait être enfermé par n'importe qui dans une prison ordinaire jusqu'à ce que son maître vienne le chercher. Donc, Job étant incapable de donner des renseignements sur lui-même fut mis en prison à cet endroit.

Ceci arriva au début de juin 1731 quand j'entendis parler de Job. J'allai avec plusieurs gentilshommes à la maison du gardien de prison, une taverne et je demandai à le voir. Il nous fut amené dans la taverne mais ne put parler un mot d'anglais. Après lui avoir fait quelques signes, il écrivit une ligne ou deux devant nous et quand il la lut, prononça les mots Allah et Mohammed; sur ce, refusant un verre de vin que nous lui offrions, nous sûmes qu'il était mahométan mais ne pouvant imaginer de quel pays il venait et comment il était arrivé ici. Par son comportement aimable et le calme serein de sa contenance, nous nous apercevions qu'il n'était pas un esclave ordinaire.

Quand Job fut resté quelque temps enfermé, un vieux nègre, qui vivait dans le voisinage et parlait le Wolof, la langue que Job comprenait, alla vers lui et ils conversèrent. Par ce nègre, le gardien fut informé sur l'identité de son propriétaire et quelle était la cause de son départ. Sur ce, le gardien écrivit à son maître qui bientôt le ramena à la plantation et fut encore plus aimable avec lui qu'auparavant. Il lui permit de prier à un certain endroit et lui octroya d'autres commodités pour que son esclave soit aussi bien que possible. Encore que l'esclavage et le confinement n'était pas agréable à Job qui n'était pas habitué à cela. Il écrivit cependant une lettre en Arabe à son père pour l'informer de ses mésaventures et espérant qu'il pourrait trouver les moyens de le racheter. Il envoya cette lettre à M. Vachell Denton, désirant qu'elle soit envoyée en Afrique par le capitaine Pike, mais celui-ci étant parti pour l'Angleterre, M. Denton envoya la lettre à M. Hunt résidant en Angleterre, lui demandant de donner cette lettre au capitaine Pike pour qu'il l'emporte en Afrique, mais celui-ci était parti pour l'Afrique quand la lettre arriva chez M. Hunt qui la garda jusqu'à une possible opportunité de l'expédier. Il arriva que cette lettre avait été vue par James Oglethorpe (un anglais philanthrope qui fonda la Géorgie) qui avec une bonté et une générosité habituelle fut pris de compassion pour Job et donna à M. Hunt une certaine somme pour payer l'achat et le voyage de Job en Angleterre. M. Hunt écrivit et envoya l'argent à M. Denton qui acheta Job à son maître qui fut très disposé pour cette affaire.

Extrait de "Some memoirs of the life of Job the son of Solomon", de Thomas Bluett, London, 1734. Traduit de l'anglais par Jean-Pierre Pazzoni.

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