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OLAUDAH  EQUIANO 3ème Partie

"TERRIFIÉS ET TREMBLANT"

Olaudah Equiano nous donne un compte-rendu de première main de son arrivée aux Antilles en 1756.

Comme le vaisseau s'approchait, nous pûmes voir le port et d'autres bateaux de toutes sortes et de toutes dimensions et nous mouillâmes parmi eux pour nous rendre à Bridgetown. Plusieurs marchands et des planteurs montèrent à bord... Ils nous poussèrent en plusieurs groupes et nous examinèrent attentivement. Ils nous firent aussi sursauter, quand ils nous indiquèrent la terre pour nous signifier où nous devions aller. Nous pensions à cause de cela, que nous serions mangés par ces hommes que nous trouvions laids. Quand bientôt après, nous étions encore tous descendus sur le pont inférieur, terrifiés et tremblant pour n'entendre que nos pleurs amers toute la nuit à cause de nos appréhensions. A la fin, las de nos cris, les Blancs firent venir d'anciens esclaves de terre pour nous rassurer. Ils nous dirent que nous ne serions pas mangés, mais que nous étions ici pour travailler, que nous irions bientôt à terre et que nous pourrions voir d'autres gens de notre pays. Ces nouvelles nous soulagèrent beaucoup et suffisamment pour nous débarquer aussitôt. Des Africains de toutes langues vinrent vers nous.

Nous fûmes conduits immédiatement à la cour du marchand, où nous étions contenus ensemble comme autant de moutons dans leur parc, de tous âges, hommes et femmes mélangés. Comme chaque objet était nouveau pour moi, chaque chose que je voyais me remplissait d'étonnement. Ce qui me frappait d'abord, c'était que les maisons étaient construites avec des briques et qu'elles avaient plusieurs étages et à tous égards différentes de celles que j'avais vu en Afrique, mais je fus encore plus étonné de voir des gens à cheval. Je ne savais pas ce que cela signifiait et vraiment, je pensais que ces gens avaient des arts magiques et rien d'autre. Tandis que j'étais étonné, un de mes camarades prisonniers parla à un gars de son pays au sujet des chevaux; il disait qu'il étaient de la même race que dans son pays. Je les ai compris bien qu'ils venaient d'une région d'Afrique différente de la mienne et j'ai trouvé bizarre que je n'avais jamais vu un quelconque cheval dans ma région; mais ensuite quand j'allais discuter avec plusieurs Africains, j'ai appris qu'il avaient beaucoup de chevaux dans leur région et même plus grand que ceux que j'avais vu. 

Nous n'étions pas restés plusieurs jours à la garde du marchand avant que nous fussions tous vendus à leur manière... A un signal donné, (un coup de tambour), les acheteurs accouraient d'un seul coup dans la cour où les esclaves étaient confinés et ils faisaient un choix sur le groupe qu'ils préféraient. Le bruit et la clameur dans lesquels ils assistaient à l'événement et l'empressement évident dans le comportement des acheteurs donnaient beaucoup d'appréhensions aux Africains terrifiés... de ces façons de faire, sans scrupules, séparés de leur famille et de leurs amis et que la plupart d'entre eux ne se reverront plus jamais. Je me rappelle que sur le bateau avec lequel j'ai été transporté... il y avait plusieurs frères qui, à la vente, ont été vendus dans des lots différents et c'était très émouvant de voir et d'entendre leurs pleurs à leur départ.

Extrait de "The interesting narrative of the life of Olaudah Equiano or Gustavius Vassa the African" London, 1789. Traduit de l'anglais par Jean-Pierre Pazzoni.

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