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SALOMON  NORTHRUP

"IL N' Y A RIEN DE TEL QUE LE REPOS"

Salomon Northrup était un homme noir libre qui fut enlevé à New York et vendu comme esclave; son asservissement durera douze ans. Il retrouvera la liberté grâce à l'intervention du gouverneur de New York. Dans l'extrait suivant, il décrit la façon dont le coton était collecté dans sa plantation en Louisiane.

Les esclaves devaient être dans le champ de coton dès le lever du jour et on leur donnait dix à quinze minutes à midi pour avaler leur ration de bacon froid, ils n'avaient pas le droit de rester oisifs jusqu'à ce qu'il fît trop sombre pour voir et quand c'était la pleine lune, ils travaillaient souvent jusqu'au milieu de la nuit. Ils n'osaient pas s'arrêter même à l'heure du déjeuner ni retourner au village nègre aussi tard qu'il fut, jusqu'à ce que l'ordre d'arrêter le travail était donné par le contremaître. 

Le travail "passage à tabac" du jour dans le champ terminé, les paniers sont "trimbalés" ou avec un autre mot, portés à la gin-house* où le coton est pesé. Épuisé et las autant qu'il puisse être ou qu'il ait une envie irrépressible de dormir et de se reposer, cela importe peu, un esclave ne s'approchait jamais de la gin-house* avec son panier de coton sans avoir peur. Si sa récolte était en dessous du poids, s'il n'avait pas accompli entièrement la tâche fixée, il savait ce qu'il devait subir. S'il l'avait dépassé de dix ou vingt livres, en toute probabilité, son maître mesurera le résultat de la tâche du jour suivant en conséquence. Qu'il soit en-dessous ou au-dessus du poids fixé, son arrivée à la maison de l'égreneuse de coton le remplit de peur et le fait trembler. La plupart du temps, ils étaient en-dessous et ils n'étaient pas pressés de quitter le champ. Après la pesée, suivez les coups de fouet; puis les paniers sont portés à l'entrepôt de coton et leur contenu stocké comme du foin, toute la main d'œuvre étant envoyée pour le tasser à pas lourds. Si le coton n'est pas sec, au lieu de l'emporter d'abord à la maison de l'égreneuse, il est étalé sur des plate-formes en planches de deux pieds de haut et trois fois cette dimension en largeur avec des allées étroites entre elles. 

Ceci fait, le travail du jour n'est pas encore terminé, c'en est loin! Chacun doit ensuite attendre ses corvées respectives. L'un doit nourrir les mules, un autre les cochons, un autre faire du bois et avec entrain; en outre, le conditionnement se faisait entièrement à la lumière des chandelles. Finalement, à une heure tardive, ils gagnaient le village nègre maîtrisant leur envie de dormir due à une longue journée de labeur. Ensuite, il fallait allumer le feu dans la case, moudre le grain dans le petit moulin à main, souper et préparer le dîner du lendemain. On leur donne seulement du grain et du bacon, lesquels sont distribués au séchoir à grain et au fumoir tous les dimanches matin. Chacun reçoit à son allocation hebdomadaire trois livres et demie de bacon et du grain suffisamment pour faire un picotin. C'est tout, pas de thé, pas de café, pas de sucre à l'exception d'une très maigre pincée de ceci ou de ça, maintenant ou plus tard, pas de sel...

Une heure avant le lever du jour, on entend le son de la corne. Les esclaves s'éveillent, préparent leur breakfast, remplissent une gourde avec de l'eau, déposent leur dîner  de bacon froid et de gâteau de maïs et filent encore au champ. C'est une infraction suivie invariablement par une flagellation, que d'être trouvé au village nègre après le lever du jour. Puis, la peur et le labeur d'un nouveau jour recommencent et jusqu'à ce que cela finisse, il n'y a rien de tel que le repos...

Au mois de janvier, généralement, la quatrième et dernière cueillette est terminée. Puis commence la récolte du maïs... Labourage, plantation, cueillette du coton, récolte du maïs, arrachage et écobuage des tiges occupent les hommes entièrement pendant les quatre saisons de l'année. Traçage et coupe du bois, pressage du coton, engraissement et abatage des porcs sont des travaux occasionnels.

*remise.

Extrait de: Twelve years a slave: narrative of Solomon Northrup, Auburn, N. Y., 1853. Traduit de l'Anglais par Jean-Pierre Pazzoni.

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